J'ai longtemps cru que les personnes qui allaient voir tout ce qui commence par le préfixe "psy" étaient : les paranos, les pervers, les schizophrènes, les victimes de viol, d'inceste, les humiliés, les dérangés, les fous, les oufs, les femmes trompées, les hommes qui trompent, les hommes bafoués, les femmes manipulées, les homos refoulés, les homos tout court, les sadiques, les masochistes, les assassins, les traumatisés, les victimes d'attentat, les victimes de guerre, les victimes de la mode, les sujets aux addictions-les alcooliques, joueurs, drogués, les cadres stréssés, les workholic, les patrons accusés de harcélement, les harcelés, les bobos...et moi.
A partir de ce jour-là, je n'ai plus pensé qu'il n'y avait que ceux-là qui allaient s'épancher chez leur psy-machin. J'ai pensé ceci, précisemment :
-Qu'est-ce-que tu peux être conne...
Ce à quoi, ma psy-machin, a répondu avec ses mots toujours très justes que je résonnais quelque peu "mécaniquement". En gros, ça veut dire, que pour moi tout était blanc ou noir. Elle m'a fait découvrir le gris et les nuances. Merci à vous...

Les quinze mois que j'ai passé, assise face à cette femme, une fois par semaine, ont été la plus merveilleuse joie et la plus vive souffrance qu'il m'ait été donné de connaître. On s'imagine que ça va être difficile de s'asseoir, dans un lieu qu'on ne connaît pas, qu'on n'a pas choisi, avec des odeurs qu'on n'oubliera plus jamais. Mais non, rien n'est plus naturel, au final. Il faut bien se lancer, on ne va pas rester trois quart d'heures en face d'elle, à se regarder dans le blanc des yeux...Alors, on se met à table.
On s'assied sur ses réticences, sur la difficulté de se mettre à nu, et de votre bouche sortent les mots. C'est comme si on écoutait quelqu'un, mais surtout pas soi, parler de soi. On acquiesserait pour un peu, et on applaudirait même, tellement on flotte au-dessus de ce qui se passe. On entend même pas trop sa propre voix, qui est en train de devenir folle d'émotion, tellement affolée qu'on ne peut rien pour elle. Y a qu'à subir. Se laisser aller dans ce désir fou de déposer le secret au pied de qui saura l'entendre.
C'est comme ça que se passe la première séance. C'est comme ça qu'elle s'est ancrée dans ma mémoire, et je suis sûre qu'à ma dernière heure (quand soi-disant la vie défile sur notre propre écran), ce moment-là fera partie du scénario.